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La newsletter des newsletters 💌

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Par Lauren et Dan
23 mai · 6 mn à lire
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Faire le point

À la bonne franquette - Louise Hourcade - Un peu de sérieux


Top 3 de la semaine

Orso e limone - Vinclusif du 22 janvier 2023 - Julia PeretiatkoOrso e limone - Vinclusif du 22 janvier 2023 - Julia Peretiatko

À la bonne franquette

Nous avons déjà recommandé, dans cette même rubrique, des newsletters qui parlaient de cuisine et de gastronomie, mais il faut bien reconnaître qu'elles étaient plus destinées au plaisir de la lecture et des yeux qu'à vous donner des idées pour votre dîner de ce soir. Alors cette fois, promis, on vous a choisi des infolettres en français, truffées de recettes si appétissantes qu’il vous tardera d’enfiler tablier et toque en rentrant à la maison.

  • Si vous aimez la cuisine d'inspiration méditerranéenne et les livres de recettes d'Ottolenghi, mais que votre placard compte moins de 450 petits pots d'épices (comment ça, vous n'avez pas de harissa coquelicot-pivoine ? Ni d'huile de pépins de citron du Cap ?), Un litre d'huile par semaine de Lola Spun est faite pour vous. On peut témoigner que les recettes de sa panzanella et de sa salade de patates sont exquises.

  • Si vous êtes férus de bon vin mais que vous ne goûtez guère à l'ambiance un poil trop testostéronée du milieu de la viticulture, vous adorerez Vinclusif, la newsletter avec « du pif, du féminisme et du gras » (excellent programme !) — les recettes peuvent apparaître au détour d'une newsletter bien écrite et intéressante, ce qui ne gâche rien.

  • Et si les gourmets pédants et élitistes vous fatiguent, mais que vous aimez quand même cuisiner tranquillement le dimanche, vous serez bien reçu chez OwiOwi, la reine des gnocchis au four et des cookies. Bon, ok, c'est pas tout à fait une newsletter, mais vous pouvez cliquer sur « S'abonner au blog via mail » en bas de page pour recevoir les articles, le principe est le même. En plus, ils font des recos alléchantes en prévision de chaque Noël ! C’est dans longtemps, mais ça ne fait jamais de mal de prendre un peu d’avance.

La newsletter de la semaine

August Strindberg, Mur de fleurs, vers 1903August Strindberg, Mur de fleurs, vers 1903

Catharsis

« J’ai 26 ans et je vis à Paris. J'écris pour mieux me comprendre, et comprendre le monde dans lequel on vit. » C’est assez sobrement que Louise Hourcade se présente aux nouveaux lecteur·ices de sa newsletter, qu’elle publie sans discontinuer depuis le mois de décembre 2020. Pour faire de sa newsletter « un magma de pensées intelligibles pour les autres », son autrice – à la plume redoutablement efficace – raconte plusieurs expériences et soulève des questions, existentielles, qui ont forcément touché certains d’entre nous. Doit-on nécessairement suivre la voie que d’autres ont tracée pour nous ? Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? Comment se remettre d’une rupture ? Passionnée par les arts, Louise Hourcade l’est également par l’écriture dont elle nous livre une vision rafraîchissante dans la dixième édition de sa newsletter : « J’adore avoir écrit ». Comme on aimait beaucoup son travail, on s’est dit que c’était une chouette idée de la recevoir dans Courriel, et on est donc ravi de l’accueillir aujourd’hui.

Voilà deux ans et demi que tu alimentes ta newsletter quasiment tous les mois ! Raconte-nous comment tout ça a commencé ?

Louise Hourcade : Il y a deux ans et demi, je venais de terminer mon école de commerce et je ne savais pas très bien ce que j’allais faire de ma vie. Parce que j’avais beaucoup dessiné pendant mes études et que ce vide m’angoissait, je me suis d’abord raccrochée à mon projet de dessin et de céramique. Mais je me sentais frustrée, insatisfaite, jamais tout à fait à ma place. Probablement parce que j’avais soif de m’exprimer avec des mots, j’ai créé une newsletter dans l’idée de raconter le cheminement intime d’une artiste et de faire de la pub pour mes dessins. Il se trouve que petit à petit, l’envie de dessiner s’est tarie et que cette newsletter, qui était vraiment un outil de communication annexe, est devenue le projet principal. Mais me rendre compte que mon activité créative ne me faisait plus vibrer et m’autoriser à écrire sur des sujets autres m’a pris du temps, j’avais plein de blocages !

Dans la 18e édition, tu expliques les voies tortueuses de ton orientation après le bac. Celles d’une élève attirée par les lettres, qui se retrouve bon gré mal gré en école de commerce et finit par (vite) s’y ennuyer. Finalement, tu décides de te reconvertir et de lancer ta newsletter pour raconter tout ça. Qu’est-ce que ça t’a permis?

L. H. : Il est certain qu’écrire m’aide beaucoup à avancer dans la vie. Depuis quelques années, j’écris 2 à 3 pages tous les matins (conseil inspiré par le livre Libérez votre créativité, de Julia Cameron) et cette habitude, qui peut avoir l’air d’une pratique de développement personnel un peu surfaite, m’aide à mieux me connaître et à m’écouter. En somme, cette newsletter a été une révélation à laquelle je ne m’attendais pas du tout. C’est bien de se projeter et de se fixer des objectifs, mais ça m’a appris à quel point il était important de se laisser surprendre et de ne pas hésiter à faire des virages. Ceci dit, je fantasmais un peu le fait de « trouver sa voie » et je me rends compte que cela n’exclut pas de traverser des moments de doutes. Il y a plein de moments où écrire me semble complètement laborieux !

Sous ta plume, on peut également retrouver tes considérations à propos du grotesque de Noël ou bien sur la rupture amoureuse et les sentiments qui nous traversent dans ces moments-là. Est-ce que tu as ce besoin d’extérioriser tes expériences, bonnes comme mauvaises, comme on le ferait au sein d’un journal intime ?

L. H : Ma newsletter est un peu un prétexte pour faire ce dont j’ai intimement besoin dans ma vie : trouver des réponses aux questions que je me pose, structurer mes pensées et avancer dans ma vie. Certaines personnes ne ressentent ni le besoin ni l’envie de tout intellectualiser à ce point, mais c’est comme ça que je fonctionne. On dit que l’écriture est « performative » et il est certain qu’écrire agit sur la vraie vie. Ma newsletter sur la rupture m’a aidée à faire le deuil de ma relation avec mon ex. Celle sur le grotesque de Noël m’a permis de considérer ces réunions de famille avec plus d’humour et de me réconcilier avec ce qu’elles avaient de beau. La newsletter que je viens de sortir pour le média Mūsae m’a aidée à expier une relation amoureuse pas très saine que j’ai vécue ces derniers mois, tout en me permettant d’en sortir grandie. Bien sûr, écrire cette newsletter et écrire dans mon journal intime sont des activités qui n’ont rien à voir, mais cela me permet d'extérioriser, de me défouler, de me soulager.

En décembre dernier, tu demandais à tes abonnées quelle était leur relation aux réseaux sociaux, et particulièrement Instagram. À l’occasion d’une ancienne édition de ta newsletter, tu expliquais le ridicule de devoir chercher une bonne légende des heures, ou les effets nocifs de la recherche de fame. Comment tu t’en sors avec tes réseaux sociaux ces derniers temps, pas trop possédée ?

L. H. : Ma relation à Instagram a parfois été très tourmentée, et cela particulièrement dans les moments où je ne savais pas trop quel était mon objectif sur mon propre compte. Il n'y a pas si longtemps, je prenais encore Instagram très au sérieux. J’y livrais beaucoup de moi, parfois de façon assez impulsive et sans être tout à fait à l’aise avec ça, et ça me rendait très anxieuse. Personnellement, ça va mieux depuis que j’ai arrêté d’y mêler ma vie perso et que je me contente du strict minimum : faire la promo de ma newsletter et des recos culturelles de temps en temps. J’ai aussi accepté que c’était un endroit où je n’arrivais pas à être parfaitement authentique, et que ce n’était pas grave parce que j’ai désormais la newsletter pour ça. Aujourd’hui, je garde une relation attirance-répulsion sur Instagram ! Déjà, parce que je reste complètement addict à cette plateforme et que j’en constate les dommages au quotidien, sur ma capacité de concentration et le temps que j’y passe. Je trouve les likes vraiment problématiques. Parce que ça peut me stresser quand je poste, mais aussi en tant que spectatrice : le décompte des likes, la conscience qu’un(e) tel(le) a liké ou pas… Il me semble que tout ça nous entraîne malgré nous dans des jugements moutonniers qui ne favorisent pas l’esprit critique. C’est pour ça que j’essaye de diversifier les contenus que je regarde pour avoir un rapport plus sain à la plateforme : entre autres choses, je ne pourrais pas me passer des recettes de Petit chef Mumu, des vidéos de Margaux Brugvin, des tips ménage de Bgin.clean ou des imitations des Caractères. C’est aussi pour ça que j’aime les podcasts et les newsletters : je me sens plus libre dans le sens ou je choisis ce que je vais lire ou écouter.

« Ma newsletter est un peu un prétexte pour faire ce dont j’ai intimement besoin dans ma vie : trouver des réponses aux questions que je me pose, structurer mes pensées et avancer dans ma vie. Certaines personnes ne ressentent ni le besoin ni l’envie de tout intellectualiser à ce point, mais c’est comme ça que je fonctionne. »

Tu es toi-même lectrice de newsletters : tu veux nous en conseiller, c’est ton moment !

L. H. : J’en lis plein, ça va être très dur de choisir ! J’ai commencé par lire des newsletters anglophones. Pour des analyses socioculturelles toujours incarnées, mes préférées sont Maybe Baby d’Haley Nahman, Culture Study d’Ann Helen Petersen et la newsletter d’Ann Friedman. Dans une veine plus psycho / intimiste, je ne manque pas une newsletter de Bookbear Express d’Ava Huang et je lis souvent Ask Polly de Heather Havrileski. Côté newsletters de médias francophones : mon infolettre d’actualité préférée, c’est Voxe.org, qui propose un récap quotidien, quali et concis avec un ton très rafraîchissant. Pour les actus écologie, j’aime beaucoup Reporterre. Sans oublier Tech Trash pour les sujets tech abordés avec une ironie délicieuse et un esprit critique qui fait du bien ! Je suis aussi fan des newsletters de Médianes, centre de ressources dédié aux médias qui propose des analyses pertinentes, des bons conseils pratiques et une super veille. Sur le sujet de l’argent, je trouve super Plan Cash, de Léa Lejeune, et la newsletter Spoune créée par la start-up Virgil. Sans oublier Le Filtre, formidable newsletter qui tient plutôt très bien sa promesse de « filtrer le meilleur de ce qu’il faut lire, écouter, manger » et que je lis à chaque fois ! Côté newsletters indépendantes francophones enfin, j’ai longtemps été inscrite à la newsletter (payante) de Garance Doré, qui écrit des textes très personnels, fins, bien écrits et dans lesquels on sent une honnêteté absolue (mais je fais une petite pause pour mon porte-monnaie). Et la dernière chouette découverte, c’est 15marches de Stéphane Schultz, qui traite des sujets d’innovation et des mutations de la société liés au numérique, la ville, la mobilité, les médias et le retail, avec beaucoup de fraîcheur et de pédagogie.

Quelle est l’édition sur laquelle tu as préféré travailler jusqu’à aujourd’hui ?

L. H. : J’ai adoré écrire mes textes sur la rupture, qui venaient d’un profond besoin de comprendre pourquoi ma relation n’avait pas marché et de faire mon deuil. J’ai aussi adoré écrire ma newsletter sur le besoin de contraintes, un texte directement motivé par mon sentiment d’angoisse à un moment où je manquais de cadre. Finalement, les éditions que j’ai préféré écrire sont des newsletters très personnelles que j’ai écrites avec mes tripes. J’ai parfois eu l’impression que ma newsletter était un peu « exhibo » et que ce style lui enlevait de la légitimité - ça faisait blog, pas très « pro ». Mais plus ça va, plus je me rends compte que c’est dans cette incarnation que je me sens à ma place et que j’ai quelque chose de singulier à apporter.


Tendances

Matisse, La conversation, 1912 - Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg Matisse, La conversation, 1912 - Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg

Un peu de sérieux

Si les newsletters curieuses et autobiographiques ont la vertu de nous faire atterrir dans le quotidien des autres et de nous pousser à réfléchir sur nous-même, on a parfois besoin de se nourrir de contenus spécialisés. Pas des dilettantes, des vrais experts. Pour briller en société et laisser vos contradicteurs bouches bées, ou tout simplement pour vous informer et progresser dans un domaine, voici notre sélection de trois newsletters qui, chacune dans leur genre, savent de quoi elles parlent :

  • Si vous avez décidé de relever un peu le niveau des débats sur le nucléaire ou les éoliennes et de jouer au Janco Éco+ au café d'en bas de chez vous, nous ne saurions trop vous recommander de vous abonner aux newsletters de Connaissance des Énergies. Vous serez bientôt prêt à asséner des chiffres sur le nombre d'éoliennes en Chine ou disserter doctement le mix énergétique mondial à la première occasion. Bon par contre c'est pas certain que le patron accepte de continuer à vous servir si vous faites fuir tous ses clients, donc allez-y avec modération.

  • Vous pourrez peut-être vous réconcilier avec tout ce beau monde en parlant barbaque ! Car si vous été déçus par le peu de viandardise des recommandations de la rubrique précédente, réjouissez-vous, voici l’élu : la newsletter de la-viande.fr, qui comblera votre appétit de bidoche avec ses recettes follement appétissantes, comme le tartare de cheval au salsifis. On dira ce qu'on voudra mais au moins c'est original.

  • Pour nos amis les bêtes, enfin. Éduquer son chien et s'occuper de lui, c'est pas toujours facile. La newsletter de Mouss le Chien se propose justement de vous accompagner et vous donner des conseils sur l'éducation, la santé, l'alimentation et les loisirs de votre brave toutou. Woof !

Sur ces belles paroles, on vous dit à dans deux semaines !


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Cette édition a été rédigée par Martin Lafréchoux, Alexandre Leguen, Lauren Boudard et Dan Geiselhart. Vous pouvez aussi nous envoyer vos remarques, avis et critiques, on adore (vraiment) ça : hello@crrl.xyz. Et allez faire un tour sur crrl.xyz. Allez, bisous.

Cette lettre a été conçue par Courriel en collaboration avec l'équipe de Kessel Media. Merci à eux !