Un tonnerre d'applaudissement
Au camp des éloges - Rembobine - Retour à la ligne - Woop-woop, it's da sound of the police !
Tout d'abord…
Au camp des éloges
Bienvenue dans cette nouvelle édition de Courriel ! Et de 7 ! Comme on vous l’annonçait il y a deux semaines, la planète infolettre a eu droit à son premier festival dédié. Des dizaines de conférences, plusieurs milliers de votes, et des millions de caractères de newsletters toutes plus originales les unes que les autres plus tard, on peut dire que l’évènement a été une franche réussite ! Parmi les heureux·ses élu·es, roulements de tambour, on tire notre chapeau à #Règle30 de Lucie Ronfaut qui obtient le Prix de la newsletter de média, à Voxe la Quotidienne dirigée par Léonore de Roquefeuil qui décroche le Prix coup de cœur de l’infolettre indépendante, et enfin à Rembobine de Timothée Vinchon, gagnant du Grand Prix de la newsletter indépendante, que nous avons le plaisir de recevoir dans cette édition !
La newsletter de la semaine
Voyage en terrain connu
Vous vous rappelez des vieilles cassettes audio, celles dont on pouvait triturer la bobine avec un crayon ? Ce crayon, Timothée Vinchon a décidé de l’utiliser pour nous emmener avec lui 365 jours en arrière, et rembobiner une actualité brûlante de l’année passée. Face à l’avalanche quotidienne d’informations et l’amnésie consciente ou inconsciente qu’elle provoque, l’infolettre Rembobine est votre piqûre de rappel annuelle, gratuite et livrée toutes les deux semaines. Une newsletter pour se rafraîchir la mémoire, et se rappeler au bon souvenir d’un scoop - un peu trop - vite tombé en désuétude.
L’infolettre Rembobine va bientôt avoir un an ! Comment cette aventure a démarré ?
Timothée Vinchon : Je suis journaliste indépendant et je fais de nombreux projets d'éducation aux médias et de création de médias participatifs. Plusieurs fois, on m'a dit : « Les journalistes en font des caisses sur un sujet, et la semaine d'après, on en parle plus. » Ça m'a interpellé. C'est vrai qu'en prenant un peu de hauteur par rapport à notre métier, on se rend vite compte que le rythme de l'information est fou. On ne se souvient pas de ce qui faisait l'actualité il y a un an ou même 3 mois. C'est dommage, car on oublie que le journalisme peut avoir de l'impact sur la société et participer à changer les choses. J'ai donc créé Rembobine pour mesurer l'impact que peuvent encore avoir des enquêtes qui datent d’il y a un an.
Dans ta newsletter, tu proposes de lutter contre l’obsolescence de l’info en faisant un saut dans le passé. Est-ce que c’est aussi une manière de lutter contre l’obsolescence de notre mémoire ?
T. V. : Il est complètement normal que notre mémoire oublie certaines informations. En revenant un an plus tôt, on se replonge dans un contexte médiatique plus large que l’investigation qu’on va remettre en lumière. Et souvent à ce moment-là, c’est une information relativement anecdotique qui avait pris beaucoup de place, une petite phrase ou une polémique débattue sur tous les plateaux. En voyant ça, on remercie notre mémoire sélective ! Mais clairement, notre attention est souvent été polluée et nous n’avons pas toujours la capacité de saisir l’importance de certaines enquêtes.
« Ma proposition, c’est une newsletter qui a un an de retard »
Donc tu considères que le flot continu d’informations finit parfois par nous perdre ? Qu’est-ce que tu préconises et dans quelle mesure Rembobine aide à lutter contre ça ?
T. V. : À n’en pas douter, ce flot d’information fait que nous discernons mal l’importance de certaines enquêtes ou reportages. Nous sommes confrontés à un flot continu d’informations proposées dans des tonnes de formats différents, c’est un fait. Tant d’informations, ça devrait être une chance. Notre souci, c’est de souvent subir ce rythme infernal. Je plaide pour que chacun trouve une consommation de médias confortable et plaisante. Pour certains, ça sera le live du Monde ou de l’info condensée en continu, pour d’autres des podcasts. Ma proposition, c’est une newsletter qui a un an de retard : elle permet à certains de découvrir l’enquête, à d’autres de se la remémorer avec plus de recul.
Quels ont été tes sources d’inspiration au moment de te lancer ? Tu es fan d’archives et d'émissions comme Rembob’ina sur LCP, ou tes références sont plus larges ?
T. V. : Je suis un grand amateur de unes de presse, dont je me sers en atelier d’éducation aux médias. Le site de l’Alliance de la presse d’information générale permet de toutes les comparer et de prendre conscience des choix éditoriaux qui peuvent être différents d’un média à l’autre. Ce qui m’a inspiré, ce sont surtout des sites qui analysent les médias et leur consommation comme la revue des médias de l’INA, ou le portail des médias libres, qui fait de très bonnes curations d’actualités sur les grands sujets d’actualité.
Quel est ton rapport au genre newsletter ?
T. V. : Pour moi, les newsletters ont toujours été une source de « pépites ». La première à laquelle je m’étais abonné était celle du magazine Books. À chaque fois que je l’ouvrais, je me sentais chanceux de découvrir une histoire extraordinaire. Si elle a disparu, l'ancienne rédactrice en chef, Sandrine Tolotti a lancé un autre projet L’intimiste, une infolettre autour des petites nouvelles de la vie et de notre quotidien, que je recommande. Il y a aussi Absolument Tout ou encore La Disparition qui me font découvrir des choses incroyables et inattendues. Une autre, que je trouve géniale, c’est Muzeodrome, d’Omer Pesquer. Je n’aurais jamais imaginé m’intéresser à « la créativité des musées », son thème principal, et pourtant le ton et les trouvailles mises en avant font que je l’attends religieusement.
Parmi la quinzaine d’éditions que compte Rembobine, sur laquelle as-tu préféré bosser jusqu’à aujourd’hui ?
T. V. : Elles sont toutes très intéressantes car à travers chacune d’entre elles, tu découvres des journalistes qui sont profondément convaincus de l’importance de leur travail et ne lâchent rien. Celle consacrée au piège du trading des influenceurs dans les banlieues est sans doute celle qui m’a le plus marqué. Yunnes Abzouz et Émilie Duhamel ont vraiment mis en lumière un problème qui prend une ampleur folle sans que beaucoup s’en aperçoivent. Des collectifs citoyens sommaient les autorités de réagir, sans forcément réussir. L’enquête, écrite pour le Bondy Blog, a été un véritable tremplin pour formaliser le problème et le rendre structurel. Depuis, Booba est parti en croisade et la justice s’est emparée de la question.
Tendances infolettres
Retour à la ligne
De même qu'il y a plein de films sur le cinéma et que les journalistes n'aiment rien tant que de raconter les coulisses de leur rédaction, il y a quantité de newsletters consacrées à l'écriture en tant que pratique. Cette semaine, nous vous en recommandons quelques-unes qui s'intéressent très concrètement aux instruments d'écriture — claviers et machines à écrire sous toutes leurs formes.
En 2015, Marcin Wichary a commencé à s'intéresser à l'histoire des machines à écrire. Il ne s'agissait au départ que de quelques posts sur Medium, mais le projet lui a comme échappé, et depuis 2017, sa newsletter raconte l'avancée de son travail. Il a finalement produit un livre énorme et magnifiquement illustré, Shift Happens, qui constitue une somme incroyable sur les claviers. L’ouvrage est tout juste terminé, et il est actuellement en précommande sur Kickstarter.
KBD. news est une newsletter hebdomadaire consacrée au monde bouillonnant des claviers mécaniques pour ordinateurs. On y retrouve les dernières réalisations de la communauté des passionnés de claviers custom, qui conçoivent et fabriquent eux-mêmes les instruments de leurs rêves — des machines ergonomiques ou pliantes aux touches colorées, qui ont souvent l'air d'accessoires dans un film futuriste.
Une semaine sur deux, TypeTown présente de grand·es écrivain·es au travers de leur relation avec leur machine à écrire — Agatha Christie, Astrid Lindgren ou Javier Marías, par exemple — avec beaucoup de photos et de légèreté, et des liens bien choisis pour ceux qui veulent aller plus loin.
Top 3 de la semaine
Woop-woop, it’s da sound of the Police !
Ces dernières années, le fait divers s’est imposé comme le nec plus ultra des rédactions en manque de clics. Affaire Daval, affaire Le Landais, affaire Lola, chaque année a le droit à son feuilleton macabre… Pourtant, cet attrait pour les affaires criminelles n’est pas nouveau : l’affaire Vacher – le tueur de bergers – passionne déjà la France du XIXe siècle. Cette semaine, on vous propose une compilation de newsletters mortelles : âmes sensibles, s’abstenir.
Vous connaissez Actu17, le site pour binge-watcher du fait divers et connaître le point de vue des syndicats de policiers sur tous les sujets ? Eh bien Actu17 a une newsletter qui, chaque dimanche, régale d'histoires sordides à souhait les amateurs d'horreurs banales. En quelques semaines d'abonnement, vous serez convaincus que le pays est à feu et à sang et que ce qu'il nous faut, c'est un homme à poigne, voire une bonne guerre.
Si vous préférez les faits divers vintage et un peu exotiques, vous pouvez plutôt aller lire cette newsletter consacrée à l'histoire d'Allô Police, une infolettre hebdomadaire québécoise qui a paru de 1953 à 2003, et était entre autres connue « pour ses détails inédits et parfois macabres ». Quatre fois par semaine, vous recevrez des scans de grande qualité issus des archives du journal, avec des titres aussi prometteurs que : « Infâme mascarade, un père Noël qui donne la mort ».
Et pour une perspective un peu différente, vous pouvez lire Le panier à salade, une newsletter qui proposait « une sélection hebdomadaire de liens sur l'actualité police justice ». La publication est malheureusement interrompue depuis 2021 mais les archives sont toujours en ligne et elles n'ont pas pris une ride : violences policières, vidéosurveillance, surpopulation carcérale, indépendance du parquet… Des thématiques qui ne se démodent guère.
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Cette édition a été rédigée par Martin Lafréchoux, Alexandre Leguen, Lauren Boudard et Dan Geiselhart. Vous pouvez aussi nous envoyer vos remarques, avis et critiques, on adore (vraiment) ça : hello@crrl.xyz. Et allez faire un tour sur crrl.xyz. Allez, bisous.
Cette lettre a été conçue par Courriel en collaboration avec l'équipe de Kessel Media. Merci à eux !
