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La newsletter des newsletters 💌

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Par Lauren et Dan
21 avr. · 6 mn à lire
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Une longue balade

Flâneries capitales - La botte de Champollion - From Abidjan


Top 3 de la semaine

Paris par la fenêtre de Marc Chagall (1913) Paris par la fenêtre de Marc Chagall (1913)

Flâneries parisiennes

Cette semaine, ce sont les vacances scolaires pour une bonne partie de la France, et beaucoup de gens sont venus les passer à Paris. Pour tous ces Parisiens de passage en manque d'idées, et pour tous les Franciliens qui seront bientôt en vacances mais ne partent pas, on vous propose trois newsletters qui vous donneront de quoi occuper les enfants.

La newsletter de la semaine

Statue royale bocchio mi-homme ; mi-requin du roi Béhanzin [1090-1094], faisant partie des 26 trésors royaux d'Abomey (Bénin) restitués par la France en 2021Statue royale bocchio mi-homme ; mi-requin du roi Béhanzin [1090-1094], faisant partie des 26 trésors royaux d'Abomey (Bénin) restitués par la France en 2021

Un caillou dans la chaussure

Pétrole, pierres précieuses et esclaves ne sont pas les seules richesses que les Européens ont arrachées à l’Afrique, et au-delà. Durant des siècles, œuvres d’art, masques, obélisques et restes humains ont transité de continent à continent pour venir enrichir les étagères des cabinets de curiosités, puis de musées dont les artefacts de cette histoire garnissent encore largement les expositions. Dans La botte de Champollion, le journaliste et muséophile Sébastien Magro nous offre « un canal d’information et de réflexion » sur ce sujet épineux, au sein d’une infolettre bimensuelle qui interroge l’héritage colonial et esclavagiste occidental au prisme de l’actualité politique, muséale et bien plus encore. Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec lui.

Tu as lancé La botte de Champollion depuis quelques mois maintenant. Par quoi tout a commencé ?

Sébastien Magro : Cela fait à peu près un an que je travaille concrètement sur cette newsletter, que j’ai lancée en septembre dernier. Le point de départ est l’observation suivante : je ne parvenais pas à trouver un canal d’information sur la décolonisation des musées, leur héritage colonial et esclavagiste, en français. Il y a des comptes d’activistes, celui d’Histoires crépues, animé par le plasticien et militant Seumboy Vrainom :€, et bien sûr des chercheuses et des chercheurs, comme Françoise Vergès qui aborde ces questions parmi d’autres, mais pas de support éditorial dédié. J’ai choisi d’adopter une approche « métier » que m’a conférée mon expérience au musée du quai Branly, en me demandant toujours : « Qu’est-ce qui va servir à une directrice de la médiation ? À un chargé de la communication ? À une responsable de collections ? ».

On le sait, la décolonisation est un processus lent qui a débuté dans le champ académique et intellectuel, avant de lentement imprégner dans les sphères politiques et culturelles. Ces dernières années, les choses semblent s'accélérer : à quoi cela est-il dû d'après toi ?

S. M. : Il y a eu un basculement sur ces questions à l’été 2020, après l’assassinat de George Floyd par des policiers états-uniens, et l’accélération du mouvement Black Lives Matter. En Amérique du Nord, dans le Pacifique et un peu partout en Europe, les initiatives autour du racisme et de la décolonisation des pratiques muséales se sont multipliées – pas toutes suivies d’actions concrètes. La France est clairement à la traîne par rapport à ses voisins, ne serait-ce que dans l’espace francophone… Ce qui ne veut pas dire qu’il ne se passe rien ici, comme le montrent les nombreuses expositions, rencontres et publications que je relaie dans ma newsletter.

Avec La botte de Champollion, tu scrutes particulièrement les musées, qui ont souvent bâti leurs collections en parallèle de l’esclavage, puis de la colonisation. Quel état des lieux tu dresses aujourd’hui ? Est-ce que les choses progressent assez rapidement ?

S. M. : Dans les musées d’arts, le principal frein est l’enseignement de l’histoire de l’art, qui continue de se penser comme une histoire des styles souvent racontée en dehors de tout contexte social, économique et politique. Ce n’est pas le cas partout et une jeune génération de chercheuses et de chercheurs travaille à apporter de la complexité en piochant dans d’autres disciplines, comme la sociologie, les études culturelles et les études de genre. Les choses avancent plus vite dans les musées d’histoire et de société, car il n’est pas rare que leurs collections comprennent des traces de l’esclavage et de la colonisation. Mais dans les musées de sciences et les CCSTI (Centres de culture scientifique, technique et industrielle), la décolonisation reste encore majoritairement un impensé.

« J’ai choisi d’adopter une approche « métier » que m’a conférée mon expérience au musée du quai Branly, en me demandant toujours : “Qu’est-ce qui va servir à une directrice de la médiation ? À un chargé de la communication ? À une responsable de collections ?” »

Est-ce que la restitution des œuvres dérobées à travers l’histoire, plus qu’une manière de refermer une parenthèse sur le passé, permet aussi d’apaiser nos relations avec les anciens pays colonisés aujourd’hui ?

S. M. : C’est délicat pour moi de me prononcer sur cette question, compte tenu de ma place d’observateur et de médiateur de l’information. Le mieux est encore de lire les personnes que j’interviewe ou dont je relaie les travaux, à l’image de l’historienne de l’art Bénédicte Savoy qui a déclaré dans La Croix (et que je reprends dans une édition de La botte de Champollion) en novembre 2022 : « Ce qui a été pris dans une violence extrême, ce qui manque cruellement à ceux qui les réclament, il faut le rendre. Et j’ajoute : il faut le rendre dans la joie. Pas comme une punition, comme un retour en arrière, mais comme une manière de tisser une nouvelle éthique relationnelle avec les pays d’origine ».

L’angle de ton infolettre semble avoir fait mouche car on nous a souvent parlé de toi (en bien !). Tu peux nous recommander, à ton tour, les newsletters que tu admires et que tu lis au quotidien ?

S. M : J’ai bien sûr envie de mentionner mes camarades Omer Pesquer de Muzeodrome et Tim Vinchon de Rembobine, qu’on ne présente plus. Sur les musées, je recommande Maxwell Museums et Dig It! de Larissa Borck et Medhavi Gandhi. Dans un autre style, je lis ¡Hola Papi!, un courrier du cœur queer et décalé de John Paul Brammer et Utopian Drivel de Huw Lemmey  qui travaille notamment sur le sexe et la politique. Je lis également la newsletter de Women who do stuff, une revue féministe qui présente chaque mois des portraits de femmes et de leurs travaux.

Quelle est l’édition sur laquelle tu as préféré travailler jusqu’à aujourd’hui ? La dernière sur la Suisse, l’édition spéciale sur le Black History Month, ou bien (comme souvent) la toute première ?

P. C. : Je me permets de tricher pour en mentionner deux : d’abord l’entretien avec Steve Bourget autour de « Black Indians », au quai Branly, qui m’a beaucoup marqué. J’ai apprécié la finesse de son travail, la qualité des textes et du parcours de l’exposition, empreinte de transparence et de lucidité sur l’histoire des personnes africaines-américaines esclavagisées. Plus récemment, j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire le numéro sur les expos Zanele Muholi à la MEP et Faith Ringgold au musée Picasso : c’est dans ces moments-là que je me dis que tout n’est pas perdu.


Fenêtre sur le monde

Les pagnes traditionnels garnissent les stands du marché d'Adjamé, à Abidjan.Les pagnes traditionnels garnissent les stands du marché d'Adjamé, à Abidjan.

From Abidjan

On est ravis de vous annoncer le retour d'Africa Digest, la newsletter des tendances africaines from Abidjan après un long hiatus.

Comme l'explique l'autrice Paola Audrey Ndengue dans cette newsletter comeback, « entre la dernière édition de cette newsletter et aujourd'hui, il s'est passé pas mal de choses: une guerre en Europe, 3 coups d'État en Afrique subsaharienne, Rihanna est désormais maman x2 et à échelle personnelle, j'ai enfilé une casquette d'animatrice TV, de cadre dans une entreprise Tech et de formatrice… » Et de fait, une des difficultés de tenir une newsletter, c'est de concilier l'exigence de régularité avec les obligations externes – et c'est d'autant plus difficile quand le succès frappe à la port… Un problème que beaucoup d'auteur·ices de newsletter aimeraient avoir !

Paola Audrey travaille en ce moment à une nouvelle formule d'Africa Digest, et on lui souhaite bien du succès — en attendant, vous pouvez découvrir les pépites de ses archives.


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Cette édition a été rédigée par Martin Lafréchoux, Alexandre Leguen, Lauren Boudard et Dan Geiselhart. Vous pouvez aussi nous envoyer vos remarques, avis et critiques, on adore (vraiment) ça : hello@crrl.xyz. Et allez faire un tour sur crrl.xyz. Allez, bisous.

Cette lettre a été conçue par Courriel en collaboration avec l'équipe de Kessel Media. Merci à eux !